
Le coq : histoire d’un symbole français
Du haut des toits et des monuments jusqu’au maillot des sportifs, le coq est partout en France.

1. Un emblème national bien en vue
Du haut des toits et des monuments jusqu’au maillot des sportifs, le coq est partout en France. Ce volatile à la crête rouge orne de nombreuses mairies et monuments aux morts, figurant le courage et l’âme du pays. Sur les clochers des églises, il sert de girouette depuis le Moyen Âge, tournant au vent en surveillant l’horizon[^1]. Sur les grilles du palais de l’Élysée – la résidence présidentielle – un coq en bronze monte encore la garde, héritage visible de la Troisième République[^2]. Et bien sûr, chaque grande victoire sportive des « Bleus » (football, rugby…) est célébrée par un coq gaulois fièrement exhibé sur les maillots et drapeaux.
Symbole non officiel de la nation (la République lui préfère Marianne ou le drapeau tricolore), il n’en reste pas moins cher au cœur des Français. À travers le coq, c’est l’image d’un peuple combatif et matinal qui continue de se transmettre, de la statue en haut du clocher jusqu’à la mascotte sur le terrain de sport[^3].
[^1]: Voir notamment Pourquoi un coq se trouve-t-il sur les clochers ?, Revue historique des Armées, n°228 (2002), p. 132-133, et archives patrimoniales [Persée.fr].
[^2]: Sur l’héritage républicain et les emblèmes visibles, voir l’étude de Luc Binet, Le coq, figure héraldique et symbolique, e-fle.univ-lille.fr (consulté en juillet 2025).
[^3]: Voir Les symboles de la République : Le coq, université Lille, e-fle.univ-lille.fr.
2. Des origines antiques : un jeu de mots devenu emblème
Pourquoi le coq en particulier représente-t-il la France ? L’histoire commence par un jeu de mots latin. Dans la langue de Jules César, gallus désigne à la fois le coq et… le Gaulois. Les Romains ne manquèrent pas de railler ainsi nos ancêtres. Jules César lui-même note l’importance de cet oiseau chez les peuples de Gaule[^1]. L’association moqueuse entre Gaulois et coqs était née. Toutefois, il s’agit bien d’un calembour : > « Le coq, gallus, symbole de la Gaule, est un calembour romain, et pas autre chose », rappelait l’historien Camille Jullian en 1900[^2]. En réalité, les Gaulois historiques ne vénéraient pas spécialement cet animal, qui n’était même pas originaire de nos contrées européennes : le coq domestique vient d’Asie du Sud-Est et a été introduit en Gaule quelques siècles avant notre ère[^3]. Aucune pièce de monnaie gauloise authentique ne portait de coq[^2], même si l’on retrouve parfois cet oiseau sur des monnaies gallo-romaines tardives ou des artefacts romains. En revanche, l’Antiquité gréco-romaine accordait au coq un grand rôle symbolique. Oiseau solaire par excellence (il chante à l’aube), le coq — notamment le coq blanc — était dédié à des dieux comme Jupiter ou Mercure[^4]. Pour des philosophes de l’Antiquité tardive, il représentait la lumière, la beauté et même l’immortalité de l’âme, si bien que certaines traditions interdisaient de le manger[^5]. Les premiers chrétiens héritèrent aussi de cette image de l’oiseau vigilant. Dans les Évangiles, c’est le chant du coq qui fait prendre conscience à saint Pierre qu’il a renié le Christ au petit matin. Très tôt, le coq devint donc un symbole de vigilance et d’espoir au point du jour dans la foi chrétienne. D’après la tradition, le pape Léon IV ordonna vers l’an 850 que chaque église arbore un coq au sommet de son clocher, pour rappeler le passage des ténèbres à la lumière du jour (symbole de la Résurrection du Christ)[^6]. C’est ainsi qu’est née la coutume des coqs-girouettes sur les toits des églises, pratique attestée dès le IX^e siècle (le plus ancien coq de clocher connu, en cuivre doré, date de cette époque à Brescia, en Italie)[^7]. Le coq de clocher tourne face au vent, posture que les chrétiens ont interprétée comme l’attitude de celui qui fait front aux épreuves — image d’endurance et de foi[^8]. --- [^1]: Voir notamment : « Le coq, gallus, et la Gaule selon César », Revue historique des Armées, n°228 (2002), p. 132-133 ; archives Persée.fr. [^2]: Camille Jullian, « Le prétendu coq gaulois », cité dans Henri Ducrocq, Le Coq gaulois, Persée.fr (1900). [^3]: Michaël Seigle, « Le coq gaulois et le coq des Gaulois : mythes et réalité », Anthropozoologica, 51/2 (2016), p. 115 (bioone.org). [^4]: Colette Beaune, « Pour une préhistoire du coq gaulois », Médiévales, n°10 (1986), p. 69-70 ; Persée.fr. [^5]: Ibid. [^6]: « Pourquoi un coq se trouve-t-il sur les clochers ? », CNews.fr, consulté juillet 2025. [^7]: Le coq de clocher, origine et sens, upsaintetrinite.ch ; « Pourquoi un coq se trouve-t-il sur les clochers ? », CNews.fr. [^8]: Le coq de nos clochers, Unité pastorale Sainte-Trinité (Fribourg), consulté juillet 2025.
3. Deux images du coq au Moyen Âge
Au Moyen Âge, l’association entre le coq et la France a survécu, tout en évoluant. Le coq gaulois avait alors un double visage. D’un côté, les ennemis du royaume de France s’en servirent volontiers pour le ridiculiser. Ils voyaient dans le coq l’animal querelleur de la basse-cour, prompt à chanter arrogantement les deux pieds dans le fumier[^1]. Dans les chroniques étrangères ou l’iconographie satirique, le roi de France pouvait être figuré sous les traits d’un coq batailleur mais présomptueux[^2]. De l’autre côté, les partisans de la monarchie capétienne ont peu à peu retourné le symbole à leur avantage. L’image du coq fier et courageux commence à apparaître dans la symbolique royale. Certes, ce n’est pas un symbole officiel héraldique (les rois médiévaux lui préfèrent la fleur de lys). Mais à partir de la Renaissance, on trouve parfois un coq auprès du roi de France sur des gravures, des médailles ou des monnaies commémoratives[^3]. Le coq devient alors un signe de vigilance patriotique et de générosité. Ainsi, le Roi-Soleil Louis XIV ne dédaigna pas le gallinacé : son peintre Charles Le Brun intégra des coqs dans le décor du palais de Versailles, alternant avec les fleurs de lys royales[^4]. Preuve que, moqué ou admiré, le coq accompagne l’histoire de France sans discontinuer ou presque depuis l’époque gallo-romaine[^5]. --- [^1]: Luc Binet & Catherine Glazas, Le coq, figure héraldique et symbolique, Revue historique des Armées, n°228 (2002), p. 132-133. [^2]: Colette Beaune, « Pour une préhistoire du coq gaulois », Médiévales, n°10 (1986), p. 69-70. [^3]: Michaël Seigle, « Le coq gaulois et le coq des Gaulois : mythes et réalité », Anthropozoologica, 51/2 (2016), p. 115. [^4]: Ibid. [^5]: Camille Jullian, « Le prétendu coq gaulois », cité dans Henri Ducrocq, Le Coq gaulois, Persée.fr (1900).
4. Contes, légendes et dictons autour du coq
Le coq a aussi conquis une place à part dans la culture populaire française. « Fier comme un coq », dit-on d’une personne à l’orgueil un peu naïf – image empruntée à la démarche bombastique du coq qui fait la roue dans la cour de ferme. De nombreux contes et fables mettent en scène l’animal et son fameux chant du matin. Dans les campagnes, on racontait que le chant du coq à l’aube chasse les esprits de la nuit et annonce un jour nouveau sans maléfices[^1]. Le folklore chrétien y voyait le symbole de la victoire de la lumière sur les ténèbres. Ainsi une ancienne hymne latine compare le coq au Christ : > « L’oiseau qui annonce le jour chante la lumière prochaine ; déjà le Christ, éveillant nos âmes, nous appelle à la vie. »[^2] Dans la littérature française, l’exemple le plus célèbre est sans doute Le Coq et le Renard de Jean de La Fontaine. Le poète y met en scène un vieux coq perché sur son arbre, que le rusé renard essaie d’attirer en bas en lui annonçant la paix universelle entre animaux. Mais le coq n’est pas dupe et prétend apercevoir deux chiens courant apporter la nouvelle : le renard effrayé prend la fuite. La morale tombe, malicieuse : > « C’est un double plaisir de tromper un trompeur. »[^3] Depuis les fabliaux du Moyen Âge jusqu’aux fables de La Fontaine au XVIIᵉ siècle, le coq incarne la ruse vigilante qui déjoue les pièges, mais aussi l’orgueil de celui qui chante trop fort sa victoire. Dans Chantecler (1910), une pièce plus tardive d’Edmond Rostand, le coq du village est même persuadé que son chant fait se lever le soleil ! Ces histoires amusantes montrent bien que cet oiseau familier est depuis longtemps un personnage à part entière de l’imaginaire français, proche des enfants (qui connaissent le cocorico du matin) tout en portant des valeurs profondes de vigilance et d’espoir. --- [^1]: Anatole Le Braz, La Légende de la mort, Paris, 1893 ; Marthe Moricet, Contes des veillées normandes, Paris, 1963. [^2]: Hymne du matin (Aeterne rerum conditor), attribuée à saint Ambroise, IVᵉ siècle, dans Liturgie des Heures, t. 1. [^3]: Jean de La Fontaine, Fables, Livre II (1678), « Le Coq et le Renard ».
5. De la Révolution à la République : le réveil du coq gaulois
À la fin du XVIIIᵉ siècle, le coq gaulois achève sa transformation en emblème national positif. La Révolution cherche alors des symboles pour remplacer ceux de l’ancienne monarchie : exit la fleur de lys, les révolutionnaires hésitent entre la figure de la Liberté, le bonnet phrygien, et le coq gaulois pour représenter le peuple. En 1791, l’Assemblée adopte officiellement le coq comme symbole de vigilance sur les pièces de monnaie : on propose de graver un coq au revers des futurs écus révolutionnaires, > « symbole de la vigilance veillant aux côtés de la Liberté »[^1]. Sous la Première République, le sceau de l’État représente la Liberté sous les traits d’une déesse assise, tenant une lance surmontée d’un bonnet phrygien, avec un coq à ses pieds. Le coq orne également des objets du quotidien : assiettes, drapeaux, gravures populaires. ### Napoléon et le coq : une brève disgrâce Lorsque Napoléon Bonaparte prend le pouvoir, il écarte le coq au profit de l’aigle impérial. > « Le coq n’a point de force, il ne peut être l’image d’un empire tel que la France, » aurait-il objecté en refusant ce symbole jugé trop champêtre[^2]. Le Premier Empire relègue donc notre volatile au poulailler et réhabilite l’aigle romain, jugé plus majestueux. Ce bref désaveu ne dure pas : après la chute de Napoléon, le coq reprend sa place sentimentale. En 1830, la Monarchie de Juillet de Louis-Philippe, soucieuse d’afficher sa légitimité populaire, remet le coq à l’honneur. Une ordonnance royale prescrit que le coq gaulois figure désormais sur les boutons d’uniforme et au sommet des drapeaux de la Garde nationale[^3]. ### Le coq républicain, de 1848 à nos jours La Deuxième République (1848) adopte le coq sur son sceau d’État, et l’image allégorique de la Liberté y tient un coq posé sur un globe terrestre. Après un nouvel effacement sous Napoléon III, la Troisième République consacre définitivement le coq comme animal-emblème de la France. On le voit sur les timbres-poste, sur les frontons des mairies républicaines et même sur les premières pièces en francs : en 1899, une pièce d’or de 20 francs dite “au coq” montre un coq gaulois rayonnant au-dessus de la devise “Liberté, Égalité, Fraternité”[^4]. Pendant la Grande Guerre, le coq devient le symbole de la résistance. Il figure aux côtés du poilu sur de nombreuses affiches, cartes postales et insignes de régiment[^5]. Après 1918, de nombreuses communes choisissent de placer un coq au sommet de leurs monuments aux morts, rappel de la vigilance et du courage qui ne doivent pas faiblir. Au XXᵉ siècle, l’État français continue d’utiliser le coq dans certains contextes. Il figure sur des timbres, des emblèmes sportifs et reste une figure familière pour les Français comme pour les étrangers. Le coq n’a jamais reçu le statut d’emblème officiel, mais il demeure l’un des symboles vivants de l’identité française, héritier d’une histoire longue, populaire, et parfois moqueuse, mais profondément enracinée. --- [^1]: Archives Parlementaires de 1791 – Projet de décret sur l’empreinte des monnaies (séance du 9 avril 1791), p. 679. [^2]: Michaël Seigle, « Le coq gaulois et le coq des Gaulois : mythes et réalité », Anthropozoologica, 51/2 (2016), p. 115. [^3]: Luc Binet & Catherine Glazas, Le coq, figure héraldique et symbolique, Revue historique des Armées, n°228 (2002), p. 132-133. [^4]: Ibid. Voir également la pièce de 20 F « au coq » (1899), Monnaie de Paris. [^5]: Michaël Seigle, art. cit., p. 115-120.
Napoléon et le coq : une brève disgrâce
Lorsque Napoléon Bonaparte prend le pouvoir, il écarte le coq au profit de l’aigle impérial. > « Le coq n’a point de force, il ne peut être l’image d’un empire tel que la France, » aurait-il objecté en refusant ce symbole jugé trop champêtre et peu martial[^1]. Sous le Premier Empire, le coq disparaît donc des drapeaux et des insignes officiels, remplacé par l’aigle romain, perçu comme plus majestueux et conquérant. Ce bref désaveu ne dura pas. Après la chute de Napoléon, le coq reprit progressivement sa place dans l’imaginaire populaire, redevenant l’emblème sentimental de la nation et du peuple, tandis que l’aigle restait attaché au souvenir de l’Empire. En 1830, la Monarchie de Juillet, soucieuse de marquer son attachement à la France du peuple et non à celle des rois ou des empereurs, remet le coq à l’honneur. Une ordonnance royale prescrit alors que le coq gaulois figure désormais sur les boutons d’uniforme et au sommet des drapeaux de la Garde nationale, rendant au gallinacé une visibilité nouvelle sur la scène politique et militaire[^2]. --- [^1]: Michaël Seigle, « Le coq gaulois et le coq des Gaulois : mythes et réalité », Anthropozoologica, 51/2 (2016), p. 115. [^2]: Luc Binet & Catherine Glazas, Le coq, figure héraldique et symbolique, Revue historique des Armées, n°228 (2002), p. 132-133
6. Le coq républicain, de 1848 à nos jours
La Deuxième République (1848) adopte officiellement le coq sur son sceau d’État : la Liberté, figure allégorique, y tient un coq posé sur un globe terrestre, symbole de vigilance et de fierté retrouvée[^1]. Après une parenthèse impériale sous Napoléon III, la Troisième République consacre définitivement le coq comme animal-emblème du pays. On retrouve alors le coq sur les timbres-poste, les frontons de nombreuses mairies républicaines et même sur les premières pièces en francs : en 1899, la pièce d’or de 20 francs dite « au coq » montre un coq gaulois rayonnant au-dessus de la devise « Liberté, Égalité, Fraternité »[^2]. Ce motif, gravé par Chaplain, sera frappé jusqu’à la Première Guerre mondiale. Durant la Grande Guerre, le coq devient le symbole de la résistance : il figure aux côtés du poilu sur de nombreuses affiches de propagande, cartes postales patriotiques et insignes de régiment[^3]. Après 1918, de nombreuses communes placent un coq au sommet des monuments aux morts, rappelant la vigilance et le courage dont il est porteur. Au XXᵉ siècle, même sans statut d’emblème officiel, le coq reste omniprésent : il orne des timbres, des mascottes sportives, et demeure l’un des symboles vivants de l’identité française. Pour les étrangers, la France reste, avant tout, le pays du coq – héritage d’une histoire longue, populaire et parfois moqueuse, mais profondément enracinée. --- [^1]: Archives Parlementaires, 1848. Voir aussi Luc Binet & Catherine Glazas, Le coq, figure héraldique et symbolique, Revue historique des Armées, n°228 (2002), p. 132-133. [^2]: Michaël Seigle, « Le coq gaulois et le coq des Gaulois : mythes et réalité », Anthropozoologica, 51/2 (2016), p. 115. [^3]: Ibid., p. 115-120.
Références
Luc Binet & Catherine Glazas, « Le coq, figure héraldique et symbolique », Revue historique des Armées, n°228, 2002, p. 132-133. Persée
Camille Jullian, « Le prétendu coq gaulois », dans Henri Ducrocq, Le Coq gaulois, Paris, 1900. Gallica
Archives Parlementaires, Projet de décret sur l’empreinte des monnaies (séance du 9 avril 1791), p. 679. Gallica
Colette Beaune, « Pour une préhistoire du coq gaulois », Médiévales, n°10, 1986, p. 69-70. Persée
Michaël Seigle, « Le coq gaulois et le coq des Gaulois : mythes et réalité », Anthropozoologica, 51/2, 2016, p. 113-130. BioOne
Jean de La Fontaine, Fables, Livre II (1678), « Le Coq et le Renard ». Gallica
Anatole Le Braz, La Légende de la mort, Paris, 1893. Gallica
Marthe Moricet, Contes des veillées normandes, Paris, 1963.
Hymne du matin (Aeterne rerum conditor), attribuée à saint Ambroise, IVᵉ siècle, dans Liturgie des Heures, t. 1.
Monnaie de Paris, Pièce de 20 francs or « au coq » (1899), motif gravé par Chaplain. Monnaie de Paris
Unité pastorale Sainte-Trinité (Fribourg), « Le coq de nos clochers » (article en ligne, consulté juillet 2025).
CNews, « Pourquoi un coq se trouve-t-il sur les clochers ? », 16/12/2020.
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